

À La Réunion, les coraux lourdement endommagés par le cyclone Garance
André ressort des eaux translucides du Cap LaHoussaye, à La Réunion, les bras chargés d'une serpillière déchirée, entourée de fils de fer et de fils plastiques. Depuis le passage du cyclone Garance, fin février, ce plongeur amateur récupère régulièrement des déchets, qui ont fortement endommagé les récifs coralliens de l'île.
Près de 100 hectares de récifs coralliens ont été détériorés et 40 ha totalement détruits au moment du passage du cyclone, le 28 février, sur l'île française de l'océan Indien, selon la Réserve naturelle marine.
Au Cap LaHoussaye, à l'ouest de La Réunion, le bleu de l'eau et l'écume des vagues contrastent avec la roche volcanique de cette falaise, devenue le lieu de rendez-vous préféré des apnéistes et des nageurs.
C'est dans ce décor paradisiaque qu'André, 28 ans, vient régulièrement admirer les poissons. Il en profite pour récupérer les déchets qu'il trouve au milieu de la roche. Équipé d'une ceinture de plomb, combinaison intégrale et chausson de plongée, le jeune homme descend jusqu'à 35 mètres.
"Depuis le passage du cyclone Garance, on trouve de tout. Du bois, du plastique, des pneus, des tissus, des bidons d'huile. Tout ce qui a été emporté par les ravines. Je les ramasse pour que les poissons aient un meilleur lieu de vie", confie-t-il.
Après les vents violents causés par le passage du cyclone Garance, les coulées de boue ont tout emporté sur leur passage dans l'ouest et le sud de La Réunion. Y compris des morceaux de façade et des voitures.
"Il faut absolument qu'on lance un action de nettoyage pour sortir les encombrants de l'eau", lance Isabeau Jurquet, directrice de la réserve naturelle marine de La Réunion, qui protège 40 kilomètres de linéaires côtiers à l'ouest de l'île.
- "Pire catastrophe écologique" -
À La Réunion, les déchets ont eu aussi des conséquences désastreuses sur les récifs coralliens, qui s'étendent sur 18 km2, selon la Réserve naturelle marine.
"On n'a jamais vu ça", assure Bruce Cauvin, spécialiste des récifs coralliens et responsable du pôle éducation de la réserve marine. "C'est la pire catastrophe écologique qu'on a connue. Les coraux au sud de La Saline sont totalement détruits, à Saint Leu, ils sont morts. Même le cyclone Firinga en 1989, qui avait endommagé près de 90% du récif corallien, n'avait pas fait autant de dégâts".
Ce mardi matin, le spécialiste des coraux, organise une animation avec des élèves de CM1 d'une école du sud de l'île. Au programme: recherche de branches de corail, "fabrication de sable" par frottement des coraux, jeux de rôle pour comprendre comment ils abritent les plus jeunes espèces et scénario catastrophe pour sensibiliser à la détérioration de cet écosystème.
"L'idée est de sensibiliser les plus jeunes pour qu'ils prennent conscience de l'importance de ce qu'ils ont à leurs pieds", explique M. Cauvin.
En parallèle, la réserve naturelle marine multiplie les actions de sensibilisation. "Nos policiers de l'environnement interviennent du Cap LaHoussaye jusqu'à L’Étang-Salé, au sud de l'île, pour faire respecter les règles", indique Isabeau Jurquet.
Sur place, les douze membres de l'association "Les dalons du lagon" prennent le relais. Sa représentante, Marie-Chantal Renardière, vient "presque chaque jour sur la plage de l'Hermitage". "Je passe mon temps dans l'eau", confie celle qui alerte la Réserve naturelle marine en cas de "présence de pollution, de blanchissement des coraux ou d'activités humaines dans les sanctuaires".
Des efforts toutefois "balayés par le cyclone Garance", selon Bruce Cauvin. "Quand je mets la tête sous l'eau à Saint-Leu, je n'y crois pas."
D'autant que le milieu pourrait avoir du mal à se régénérer. "Les pressions liées à l'urbanisation, à l'imperméabilisation des sols et à la gestion des bassins versants, sont de plus en plus nombreuses", souligne le spécialiste des coraux. "Il a fallu 10 ans après le cyclone Firinga pour que les coraux se régénèrent. Mais depuis 2018 et le passage du cyclone Fakir, rien ne s'améliore", déplore-t-il.
O.Young--VC