Marseille horrifiée après l'assassinat d'un 2e frère d'un écologiste engagé contre le narcobanditisme
"Point de bascule effrayant": Marseille est vendredi sous le choc après le meurtre d'un deuxième frère d'Amine Kessaci, militant écologiste de 22 ans engagé dans la lutte contre le narcobanditisme, le parquet n'excluant pas l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement.
Amine Kessaci "souhaite pour le moment garder le silence", insistent les Ecologistes.
Jeudi, aux alentours de 14H30, Mehdi, son petit frère de 20 ans et qui voulait devenir policier, a été abattu près d'une salle de concert par deux personnes à moto, activement recherchées.
En 2020, cette famille de six enfants a déjà été endeuillée par l'assassinat de Brahim, 22 ans, dont le corps a été retrouvé carbonisé dans un véhicule.
L'enquête ne fait que débuter mais seule certitude: Mehdi est une "victime innocente", selon une source proche de l'enquête, inconnue des services de police et de justice, selon le parquet.
Ce drame relance le débat sur la dangereuse lutte contre le narcobanditisme dans la deuxième ville de France.
Le procureur de la République de Marseille Nicolas Bessone n'exclut pas l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement visant à atteindre Amine Kessaci, qui était sous protection policière depuis quelques semaines.
"Si tel devait être le cas, on aurait franchi une étape supplémentaire. Ça rappelle un certain nombre de périodes terribles connues dans notre pays, où vous allez assassiner des gens, simplement parce qu'ils sont membres d'une famille avec laquelle vous avez des problèmes", a-t-il estimé sur Franceinfo.
"Si l'hypothèse d'un assassinat d'avertissement, destiné à décourager Amine de son engagement contre le narcotrafic qui gangrène notre ville, était confirmée, nous serions devant un changement de dimension absolument terrifiant", s'est inquiété le maire divers-gauche Benoît Payan dans une déclaration à l'AFP.
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin parle lui sur X d'"un point de bascule effrayant".
Le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez, qui s'est entretenu avec M. Payan et la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier, assure "suivre évidemment de très très près cette affaire, en lien avec la préfecture et les services de police sur place", selon son entourage.
- "On a peur" -
Concernant Amine Kessaci -(qui en 2024 a manqué de peu d'être élu député face à une candidate Rassemblement national) sa protection a été déclenchée après des menaces identifiées par la police, selon une source proche de l'enquête. Dans un contexte particulier: la parution à la rentrée de son livre "Marseille, essuie tes larmes", longue lettre adressée à son grand frère Brahim, qui n'avait pas le même père que lui, et la perspective du procès attendu en 2026 des assassins présumés de Brahim et de deux autres hommes tués avec lui.
Ce fait-divers fut à l'époque un électrochoc et les autorités ont commencé à partir de là à parler d'une forme de cartélisation comparable à ce qu'il se passe en Amérique du Sud.
Vendredi, une cagnotte a été lancée par l'association Conscience qu'il a créée pour soutenir la famille. Cette structure veut justement oeuvrer pour aider les proches de victimes de narchomicides.
A Frais Vallon, le quartier où ils ont grandi, rare sont les habitants à oser parler. A voix basse, Fatima (prénom d'emprunt), confie qu'elle les connaît bien, ils ont habité à quelques portes de chez elle.
"Des gamins gentils. Mehdi et puis son frère là, le grand qui passait à la télé... Ça fait beaucoup de peine", souffle-t-elle, avant de s'engouffrer dans son hall d'immeuble, craignant d'être vue par les jeunes attroupés en bas des tours.
"On s'en prend à une famille pour museler la parole, ça va refroidir pas mal de monde", a réagi auprès de l'AFP Karima Méziène, avocate de familles de victimes et qui a elle-même perdu son frère dans un règlement de comptes.
"Toutes les mamans sont dans un état catastrophique", confie Atika Sadani, dont la nièce est morte dans un règlement de comptes. Elle était d'ailleurs en route avec d'autres pour aller réconforter la famille. "Jusqu'à présent on essayait de convaincre les mamans de parler aux médias, mais maintenant on fait quoi ? On a peur."
A Marseille, avant 2020/2021 les victimes étaient bien ancrées dans le narcobanditisme, puis les cibles sont devenues les petites mains du trafic, parfois mineures et touchées à l'aveugle.
"Là, la personne intimidée ne participe pas au trafic. Au contraire", souligne le criminologue Jean-Baptiste Perrier. "Il y a un risque de glissement. Il faut aussi le remettre dans le contexte des menaces qui ont pesé sur les directeurs d'établissement pénitentiaires, des magistrats."
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Z.Chen--VC