Vancouver Courier - Quatre Britanniques au sommet de l'Everest, à toute allure et sous xénon

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Quatre Britanniques au sommet de l'Everest, à toute allure et sous xénon
Quatre Britanniques au sommet de l'Everest, à toute allure et sous xénon / Photo: © AFP/Archives

Quatre Britanniques au sommet de l'Everest, à toute allure et sous xénon

Après l'ascension sans oxygène ou en solo, voilà celle au xénon. Quatre Britanniques ont conquis mercredi l'Everest quelques jours à peine après avoir quitté Londres en recourant à ce gaz, suscitant déjà les critiques des puristes.

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La cordée, composée d'ex-soldats des forces spéciales dont le secrétaire d'Etat chargé des Anciens Combattants, Alistair Carns, espère désormais rentrer au plus vite au Royaume-Uni pour boucler son expédition en une semaine chrono, un record.

"Tous les quatre, ainsi qu'un photographe et cinq sherpas ont atteint le sommet ce matin à 07H10 locales", a annoncé à l'AFP l'organisateur autrichien de l'expédition, Lukas Furtenbach.

"Ils vont redescendre vers le camp de base d'ici ce soir et, si le temps le permet, seront de retour chez eux dans la limite définie des sept jours", a poursuivi M. Furtenbach.

L'ascension la plus rapide de l'Everest a été réalisée en 2003 par le grimpeur népalais Lhakpa Gelu Sherpa, qui a accompli le parcours du camp de base au sommet en 10 heures et 56 minutes.

La course de vitesse engagée par les alpinistes britanniques est d'une autre nature.

Elle vise à réduire la période d'acclimatation requise pour affronter la "zone de la mort", celle des altitudes supérieures à 8.000 m où la raréfaction de l'oxygène dans l'air menace la vie des alpinistes qui s'y risquent.

Pour préparer leur corps à la très haute altitude, les prétendants au toit du monde séjournent généralement deux mois dans l'Himalaya avant de se lancer à l'assaut du sommet.

- "Plus haut, plus vite" -

Contrairement à eux, la cordée britannique s'est préparée sur les bords de la Tamise, autant dire au niveau de la mer, en respirant du gaz xénon sous tente pendant deux semaines.

Elle n'est arrivée au camp de base de l'Everest que samedi, quatre jours avant le sommet.

Pilote de ligne de profession, le chef de l'expédition, Garth Miller a expliqué qu'il s'agissait là d'une "nouvelle façon" de se préparer, pour "grimper plus haut et plus vite".

Selon ses promoteurs, le xénon favorise la production de l'érythropoïétine (EPO), une hormone qui dope la production de globules rouges porteurs d'oxygène dans le sang et améliore les performances.

"Le xénon semble développer des mécanismes qui protègent du mal de l'altitude causé par le manque d'oxygène", a expliqué le Dr Michael Fries, membre de l'expédition, "en inhaler reproduit les effets de la haute altitude".

L'agence mondiale antidopage (AMA) a interdit dès 2014 l'usage du xénon, qui a réjoint la longue liste des produits dopants.

Le recours à l'EPO est au cœur de quelques-uns des plus grands scandales de l'histoire du sport, dont celui qui a fait tomber le coureur cycliste américain Lance Armstrong.

En janvier, la commission médicale de l'Union internationale des associations d'alpinisme (UIAA) a publié une mise en garde.

"Selon la littérature actuelle, il n'existe aucune preuve que l'inhalation de xénon améliore les performances en montagne, et une utilisation inappropriée peut être dangereuse", a-t-elle écrit.

- "Coup de pub" -

Prompte à se déchirer sur les vertus des ascensions sous oxygène, avec ou sans sherpas ou encore sur la commercialisation de la haute montagne, la communauté des alpinistes n'a pas tardé à réagir à cette nouveauté.

"Je n'y vois qu'un coup de pub", a déjà tranché l'Américain Adrian Ballinger, à la tête de la compagnie Alpenglow Expeditions, qui travaille elle aussi sur l'accélération des périodes d'acclimatation aux sommets.

"Pour moi, ces trucs-là effacent ce qui fait de l'ascension de l'Everest une aventure unique", a-t-il estimé, "l'inconnue du résultat et le fait que chaque grimpeur doive repousser ses limites physiques, mentales et émotionnelles."

"C'est là que l'apprentissage de la montagne et l'expérience prennent tout leur sens", a insisté Adrian Ballanger.

Des arguments écartés d'un coup de piolet par Lukas Furtenbach, qui a commencé à tester le recours au xénon dès 2020 et dit avoir "constaté sans aucun doute que ça fonctionnait".

"Comme dans toute innovation, nous sommes en avance sur la science", a argué l'alpiniste, qui souhaite faire de sa méthode "un protocole classique pour l'ascension en altitude".

Un protocole coûteux. Du propre aveu de Lukas Furtenbach, l'ascension de l'Everest sous xénon est facturée 150.000 euros. Bien plus que les tentatives traditionnelles.

G.Jackson--VC