

CEDH: la Russie condamnée pour de multiples violations des droits humains en Ukraine
Exécutions, torture, déplacements d'enfants, travail forcé, destruction du vol MH17: la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné mercredi la Russie pour les nombreuses exactions commises en Ukraine depuis 2014.
A l'issue d'un délibéré lu pendant plus de 40 minutes par le président de la Cour européenne des droits de l'Homme, le juge français Mattias Guyomar, la Russie est reconnue coupable d'exécutions de "civils et de militaires ukrainiens hors de combat", "d'actes de torture" ou de "déplacements injustifiés de civils".
La CEDH relève aussi la "pratique administrative consistant à commettre des destructions, pillages et expropriations de biens appartenant à des personnes civiles et à des entreprises privées", et pointe la responsabilité de Moscou dans la destruction du vol MH17.
La décision a été rendue par les 17 juges de la Grande chambre, formation la plus solennelle de l'institution qui siège à Strasbourg.
Celle-ci a joint dans cette même décision trois plaintes déposées par l'Ukraine contre la Russie après les opérations menées en 2014 dans le Donbass et la guerre déclenchée en février 2022, et une autre plainte des Pays-Bas pour la destruction du vol MH17, parti d'Amsterdam vers la Malaisie le 17 juillet 2014, abattu par un missile dans la région de Donetsk, dans le Donbass, et qui avait fait 298 victimes.
- Caractère symbolique -
"L'Etat défendeur doit sans délai libérer ou renvoyer en toute sécurité toutes les personnes qui, sur le territoire ukrainien occupé par les forces russes ou sous contrôle russe, étaient privées de liberté (...) et qui sont toujours détenues par les autorités russes", intime la CEDH.
Celle-ci estime également que la Russie "doit apporter sans délai sa coopération à la mise en place d'un mécanisme international et indépendant destiné à assurer, le plus rapidement possible et en tenant dûment compte de l'intérêt supérieur des enfants, l'identification de tous les enfants transférés d'Ukraine vers la Russie ou le territoire contrôlé par la Russie".
Cependant, cette condamnation de la Russie revêt avant tout un caractère symbolique: depuis septembre 2022 et son exclusion Moscou ne donne plus aucun signe de vie devant la CEDH.
Et si elle reste normalement responsable des violations des droits fondamentaux commises avant cette date, la Russie ne considère plus les décisions de la CEDH comme contraignantes à son égard: Moscou "ne compte pas se conformer" à cette décision, a déclaré mercredi matin le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov lors de son point presse quotidien. "Nous les considérons comme nulles et non avenues".
De son côté le Premier ministre néerlandais Dick Schoof s'est réjoui de la décision de la CEDH: cet arrêt "est un pas important vers la justice. La Cour a désigné la Russie comme responsable de la destruction du vol MH17 et de la mort de ses passagers, dont 196 ressortissants néerlandais. Mes pensées vont aujourd'hui à tous les parents qui ont perdu leur famille, leurs proches et leurs amis il y a plus de dix ans."
- Justice, reconnaissance... excuses ? -
"C'est une décision historique, non seulement sur le MH17 mais aussi sur les crimes commis en Ukraine par les Russes", a également déclaré à l'AFP Piet Ploeg, qui a perdu son frère, sa belle-sœur et son neveu dans la catastrophe, et préside l'association de proches de victimes "Stichting Vliegramp MH17".
"Je ne pense pas que la Russie paiera quoi que ce soit, mais ce n'est pas une question d'argent aujourd'hui, c'est une question de justice et de reconnaissance... et peut-être d'excuses, on ne sait jamais", a-t-il ajouté.
Si la plupart des requêtes émises devant la CEDH sont introduites par des individus, des sociétés ou des ONG, les Etats peuvent également en présenter une contre un autre Etat dans ce qui devient alors une "affaire interétatique".
Plus de 30 affaires interétatiques ont été présentées depuis 1953, et la Cour a parfois ordonné aux Etats ayant violé la Convention de verser des indemnités, parfois en centaines de millions d'euros.
Quinze affaires interétatiques sont actuellement instruites par la Cour, dont trois autres concernant les événements dans la péninsule ukrainienne de Crimée annexée en 2014 par la Russie, dans l'est de l'Ukraine et dans la mer d'Azov.
Z.Chen--VC