Vancouver Courier - Nouvelle "drogue du pauvre", l'anti-épileptique prégabaline sous surveillance

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Nouvelle "drogue du pauvre", l'anti-épileptique prégabaline sous surveillance
Nouvelle "drogue du pauvre", l'anti-épileptique prégabaline sous surveillance / Photo: © AFP/Archives

Nouvelle "drogue du pauvre", l'anti-épileptique prégabaline sous surveillance

Commercialisé sous le nom de Lyrica depuis 20 ans en France, un anti-épileptique, la prégabaline, est depuis quelques années détourné en drogue de rue ou récréative, suscitant une surveillance accrue de la part des autorités sanitaires et des douanes.

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Les douanes françaises ont annoncé mi-avril une importante saisie à Paris: 30.000 doses de prégabaline, ajoutées à des centaines de kilos de tabac et des milliers d'articles contrefaits.

"Nous avons constaté une recrudescence des saisies en 2023, et depuis, ce phénomène s'est installé", explique à l'AFP Corinne Cléostrate, sous-directrice des affaires juridiques et de la lutte contre la fraude à la Direction générale des douanes.

La prégabaline, surnommée "la drogue du pauvre", est principalement vendue à la sauvette dans les rues des quartiers populaires de Paris et Marseille, et est devenue une alternative accessible aux drogues plus chères, comme la cocaïne.

"C'est vraiment un phénomène de rue qui s'est accentué ces derniers mois", résume Corinne Cléostrate.

Avec les fausses ordonnances, le marché noir ou les commandes en ligne, "le Lyrica serait devenu le médicament le plus accessible sur le marché de rue, vendu entre 1 et 3 euros la gélule", contre environ 66 euros le gramme pour la cocaïne, affirme le docteur Dorian Rollet, médecin addictologue.

- "Pour oublier" -

Initialement prescrit contre l'épilepsie ou le trouble anxieux généralisé, l'usage de ce médicament est détourné pour ses effets anxiolytiques et analgésiques, "mais également d'euphorie, de défonce et de psychostimulation", poursuit le Dr Rollet.

Pour ce qui est des consommateurs, "ce sont beaucoup de jeunes adolescents en situation migratoire ou de jeunes adultes qui en consomment. +C'est pour oublier+, nous disent-ils, leur parcours migratoire, les difficultés", raconte à l'AFP le docteur Laurène Dufayet, médecin légiste et toxicologue à l'unité médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu à Paris.

Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), les cas d'abus et/ou de dépendance sont rapportés "majoritairement chez des hommes (82%) avec une part importante de mineurs (25%)".

Cette substance peut également être couplée à des drogues comme la MDMA ou la cocaïne afin d'augmenter leurs effets, explique la toxicologue.

"Le risque d'overdose avec la prégabaline seule est faible. Par contre, il y a un risque d'overdose (...) et d'arrêt respiratoire lorsque d'autres drogues, ou de l'alcool, sont consommées en même temps", alerte le Dr Dufayet.

"Par ailleurs, c'est un médicament qui agit sur le système nerveux central donc il y a un risque de devenir dépendant au médicament", ajoute-t-elle, soulignant l'importance de la prévention dans ce domaine.

Pour lutter contre le mésusage de la prégabaline et la falsification d'ordonnances en augmentation, l'ANSM a décidé en 2021 de renforcer les conditions de prescription. Elle est désormais limitée à six mois et nécessite une ordonnance sécurisée, plus difficilement falsifiable.

Mais malgré la modification des conditions de prescription, l'augmentation du nombre de cas rapportés d'abus, de dépendance ou de complications cliniques liées au mésusage se poursuit, signale l'ANSM à l'AFP.

Pour Corinne Cléostrate, "le trafic vient donc d'ailleurs", cheminant via le fret express et postal. "On trouve des gélules de prégabaline dans des colis commandés en ligne sur le darknet" ainsi que sur les routes, "notamment en provenance du nord de l'Europe".

Fin janvier, à l'aéroport de Beauvais (Oise), les douanes ont découvert plus de 13.000 comprimés de prégabaline détenus par un voyageur en provenance de Grèce.

Un an plus tôt, l'Office national antifraude (Onaf) avait démantelé un trafic à la suite d'une autre saisie sur une passagère venant également de Grèce. L'enquête avait mis au jour un réseau acheminant 300.000 comprimés vers Marseille, générant 600.000 euros de chiffres d'affaires.

Toutefois, cela ne signifie pas que le médicament est de fabrication grecque: il peut être fabriqué en Chine, en Bulgarie, en Pologne ou encore en Allemagne, explique Corinne Cléostrate.

T.Scott--VC